Par Pierre-Emmanuel Bastien, chargé de mission – Groupe Chiroptères Océan Indien
Vigie Nature est largement déployé et utilisé par un large public en métropole, et du côté des chiroptérologues, c’est l’outil Vigie-chiro qui fait son chemin depuis le début des années 2000. Mais qu’en est-il du côté des Outre-Mer et plus spécifiquement de La Réunion ?
Depuis quelques temps, l’équipe scientifique du Groupe Chiroptères Océan Indien (GCOI) se penche sur la mise en œuvre de l’outil à La Réunion, et ce de concert avec l’équipe du Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris (MNHN). Bien que l’objectif soit le même qu’en métropole, c’est à dire connaître les tendances d’évolution de la chiroptérofaune locale, l’écologie des espèces insectivores et les milieux qu’elles parcourent sont quelque peu différents à La Réunion. Il nous a fallu alors nous creuser la tête pour mettre sur pied et déployer un protocole adapté au contexte local, sur la base de ce qui est conduit en métropole. Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’île, La Réunion c’est une multitude de micro-climats, et donc de milieux, des altitudes allant du niveau de la mer à plus de 3 000 m d’altitude, des reliefs variés et de ce fait une accessibilité complexe voire impossible, sans compter sur le caractère insulaire !
Avec le soutien financier de l’État (Fonds vert – France Nation Verte) nous venons de lancer l’opération Vigie-Chiro Run en 2023 !
Nous sommes partis sur le déploiement du protocole « point fixe »* à l’échelle de l’île. Pour se faire, nous avons défini les périodes d’acquisitions et le nombre de points à mettre en œuvre, et surtout la façon de les répartir sur le territoire. Bien qu’il nous paraissait assez logique de réaliser un tirage aléatoire stratifié, restait à savoir comment le conduire et quelles couches utiliser.
Après plusieurs échanges avec Yves Bas (MNHN) et quelques nœuds au cerveau, nous avons opté pour 100 points tirés aléatoirement et répartis de la sorte : 10 points dans chacun des trois cirques (Cilaos, Mafate et Salazie), 10 points au sein des zones humides, 10 points dans la zone dite du Piton de la Fournaise et 50 points sur le reste de l’île.
Du fait d’une activité continue tout au long de l’année, nous avons choisi de retenir trois périodes d’acquisitions correspondants aux moments clefs du cycle biologique des espèces réunionnaises. A été retenue la période d’hiver austral (phase de moindre activité), la période d’été austral (phase de mise bas) et période transitoire entre l’été et l’hiver austral (phase d’émancipation et de rassemblement des jeunes de Petit Molosse de La Réunion (Mormopterus francoismoutoui) et second pic de naissance pour le Taphien de Maurice (Taphozous mauritius)).
Pour ce qui est de la phase de travaux pratiques, elle va se faire chaussures de randonnée aux pieds, sac à dos sur les épaules et gps en main. En effet, la plupart des points ne sont accessibles qu’à pied et dans bien des cas dans des secteurs très reculés.
Au moment de la rédaction de cet article, nous avons terminé la première phase de terrain (juillet-août 2023), avec au compteur plusieurs dizaines de kilomètres parcourus et quelques milliers de mètres de dénivelés dans les mollets, du littoral au plus haut sommet de l’Océan Indien, le spectaculaire Piton des Neiges (cf. photo ci après).
Pour finir, cette opération de vaste ampleur a été pensée pour être menée sur un minimum de 6 ans et demi. Il va donc falloir s’armer de patience et d’énergie pour avoir les premiers résultats, mais je vous donne d’ores et déjà rendez-vous en mars prochain à Bourges pour vous présenter plus en détails ce travail.
*”Le protocole « Point fixe » est issu des possibilités ouvertes par les détecteurs-enregistreurs autonomes comme les SMBAT, le D500X, le Batlogger, l’Audiomoth ; mais aussi par les développements récents de l’identification assistée par ordinateur.” (Source : www.vigienature.fr/fr/page/protocole-point-fixe)
Ces capteurs sont des outils autonomes qui permettent au chiroptérologues d’enregistrer les cris ultrasonores des chauves-souris. Ils sont programmés à l’avance et remplacent un être humain, ce qui permet de faire tourner plusieurs machines en différents points par nuit.
Contact : Pierre-Emmanuel Bastien, chargé de mission – Groupe Chiroptères Océan Indien