Publié le 03/12/2024

Six projets de créations de gîtes artificiels en Martinique

Par Caroll-Ann Portel - Parc naturel régional de la Martinique (PNRM)

Photo ci-contre : Gîte artificiel de la Favorite, couvert par la végétation © PNRM

Le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM) réalise depuis 2016 le suivi de gîtes à chiroptères sur l’ensemble de l’île dans le cadre d’un programme annuel financé par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), la Direction de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement (DEAL) de Martinique et l’Office de l’eau de Martinique.

Dans le cadre de ce programme, le PNRM réalise également un travail de vulgarisation, notamment à travers la publication de posters et de brochures sur les chiroptères de la Martinique.

Enfin, des agents du PNRM réalisent des médiations auprès des entreprises et du grand public, dans le but de faciliter la cohabitation entre la population et ces animaux.

Toutefois, la cohabitation n’est pas toujours possible, notamment en raison du risque sanitaire pouvant être posé par la présence du champignon Histoplasma capsulatum. En effet, en Martinique, ce champignon peut être présent dans les déjections des chauves-souris notamment. Sous certaines conditions (humidité,  température modérée…), il se développe et produit des spores qui, si elles sont respirées, provoquent une maladie nommée Histoplasmose.

Il arrive donc que ce travail de médiation débouche sur la mise en place de gîtes de substitution, dans les cas où la cohabitation n’est pas possible.

Ainsi, six projets de créations de gîtes artificiels ont vu le jour sur le territoire.

 

Le gîte artificiel de l’Habitation Lajus (Le Carbet)

Ce gîte a été construit dans le cadre d’un projet de rénovation des infrastructures de l’Habitation, en vue d’un projet d’extension et de développement de l’activité sur le site.

Un gîte a ainsi été construit dans le but d’accueillir des Artibés de la Jamaïque (Artibeus jamaicensis). Il a été conçu pour prendre l’apparence d’une cabane abandonnée, afin de reproduire l’un des habitats favorisés par l’espèce.

Toutefois, les ouvertures laissées sont étroites, tandis que l’espèce visée favorise les gîtes ayant des ouvertures larges. L’accès au gîte est également trop peu élevé, ce qui augmente le risque de prédation.

Les conditions d’accueil actuelles ne semblent donc pas être optimales. Des conseils sur l’amélioration de ce gîte pourront être fournis afin de le rendre plus attractif pour les chiroptères.

 

Le gîte artificiel de la Rhumerie de La Favorite (Fort-de-France)

Le gîte artificiel de la Rhumerie de La Favorite a été mis en place suite à la colonisation de locaux de la rhumerie, par des Artibés de la Jamaïque.

L’objectif était d’attirer les individus de la colonie vers un nouveau dortoir.

Il possède une grande capacité d’accueil. Toutefois, la présence d’un plancher à mi-hauteur de la bâtisse semble être entravant, et pourrait servir d’accès aux éventuels prédateurs (chat, rats, etc.).

La zone entourant le gîte possède de nombreux arbres fruitiers, pouvant intéresser des espèces frugivores (Artibés, Brachyphylle, etc.). Des traces de passages de chiroptères ont par ailleurs été observées autour du gîte artificiel.

Cependant, le gîte est aujourd’hui recouvert par la végétation (lianes obstruant les accès au gîte notamment).

Une réflexion est en cours afin de déterminer les actions pouvant être mises en place afin de rendre le gîte plus attractif pour les chiroptères :

Supprimer les lianes qui obstruent les zones d’accès
Modifier / supprimer le plancher à mi-hauteur afin de favoriser la colonisation par des espèces de grande taille telles que Artibeus jamaicensis.

Gîte artificiel de la Favorite, couvert par la végétation © PNRM

Intérieur du gîte articifiel de la Favorite © PNRM

 

Gîtes artificiels du Club Med (Sainte-Anne)

Au sud de l’île, une colonie d’Artibés de la Jamaïque, ainsi que plusieurs Molosses communs (Molossus molossus), se sont installés dans des salles fréquentées par la clientèle du complexe hôtelier.

Suite aux dérangements causés par la présence de guano et restes de fruits dans des zones d’accueil du public, plusieurs gîtes en bois ont été conçus afin d’attirer les individus vers un nouveau dortoir. Deux types de gîtes ont ainsi été mis en place.

Le premier, de petit volume, semble être intéressant pour des microchiroptères tels que le Molosse commun. Il prend la forme de boîtes fixées en hauteur et ouvertes vers le bas, avec un cloisonnement intérieur formant des espaces restreints, généralement appréciés par les petites espèces locales (Tadarida brasiliensis, Myotis martiniquensis, etc.).

Ce gîte, positionné dans un jardin, est accompagné d’une pancarte d’information destinée aux visiteurs. Son emplacement, isolé au milieu du jardin, semble à priori ne pas être idéal en raison d’une exposition trop importante au soleil. Toutefois, des observations de guano sous le gîte indiquent qu’il a déjà été utilisé par des chiroptères.

Le second gîte, de plus grande taille, a été conçu pour accueillir des Artibés de la Jamaïque. Mais la présence de chambres à l’intérieur du gîte offre des ouvertures trop étroites pour cette espèce. La largeur des fentes (>5 cm) est parallèlement un peu grande pour les microchiroptères locaux, qui apprécient les ouvertures étroites. Cependant, le gîte a été positionné dans la végétation, dans une zone ombragée. Le microclimat ainsi créé peut s’avérer adéquat pour la colonisation par des chiroptères.

Gîte artificiel 1 du Club Med © PNRM

Gîte artificiel 2 du Club Med © PNRM

Gîtes artificiels des entreprises PROCHIMIE et SAMIR Industrie (Le Lamentin & Fort-de-France)

En 2019, une intervention a été organisée dans deux entreprises du centre de l’île.

La première, spécialisée dans la fabrication de produits d’hygiène et d’entretien, était impactée par la présence de deux espèces : Artibés de la Jamaïque (Artibeus jamaicensis) et Brachyphylles des cavernes (Brachyphylla cavernarum).

De nombreux cartons étaient perdus car souillés par les déjections. Une intervention a donc été réalisée entre avril et octobre 2019 afin de résoudre le problème rencontré. Différentes étapes ont été mises en place afin de limiter le dérangement des individus autant que possible.

Des observations nocturnes préalables ont été réalisées afin de déterminer les habitudes de la colonies (lieux de passages, horaires de déplacements, etc.).

Une société a ensuite été contactée afin d’intervenir. L’objectif : fermer les différentes zones d’accès et laisser sortir la colonie en début de soirée par les volets roulants, puis fermer les volets aux alentours de 21h, quand tous les individus sont à l’extérieur.

Un gîte artificiel avait été installé en amont, à proximité du bâtiment colonisé afin d’offrir un gîte de substitution.

Mais bien qu’il soit de grande taille (intéressant pour les espèces ciblées), ce gîte présente quelques limites.

Les aménagements intérieurs réduisent l’espace disponible pour les chiroptères. Son emplacement, exposé au soleil, n’est pas idéal. De plus, étant posé à même le sol, il est sujet à la prédation.

L’entreprise ayant montré sa volonté de préserver la colonie présente dans ses locaux, il serait intéressant d’échanger avec elle afin d’envisager des ajustements du gîte pour le rendre plus attrayant pour les chiroptères.

Dans les locaux de la seconde entreprise, située dans la commune de Fort-de-France, une colonie d’Artibés de la Jamaïque (Artibeus jamaicensis) a élu domicile.

Les déjections et le dépôt de fruits causant une gêne dans l’atelier de fabrication de l’entreprise, des actions ont été mises en place afin de favoriser un départ en douceur de la colonie, couplé à la mise en place d’un gîte de substitution à proximité.

Trois gîtes en bois de petite taille ont été fabriqués par l’entreprise et placés à l’extérieur du bâtiment.

Puis les zones de passages ont été fermées, n’en laissant qu’une afin que les individus partent en début de soirée, mais ne puissent plus entrer. Un rideau de frange a notamment été installé au niveau d’un espace de livraison afin d’assurer les livraisons dès 5h le matin, sans que les chiroptères encore dehors n’entrent dans le bâtiment.

Aujourd’hui, ces gîtes n’ont pas encore été colonisés, et les chiroptères parviennent à entrer à nouveau dans le bâtiment, au moment de l’ouverture par les employés au petit matin. Des solutions complémentaires devront donc être envisagées afin de favoriser l’occupation des gîtes installés.

 

Gîtes artificiels du musée de la Pagerie (Les Trois-Îlets)

En 2022, suite à l’installation d’une colonie de Molosses communs (Molossus molossus) sous un kiosque extérieur fréquenté par les visiteurs d’un musée au sud de l’île, une médiation a été mise en place avec les gestionnaires du site, le PNRM et la DEAL de Martinique.

Après des discussions avec la CTM, la DEAL et le PNRM, et afin de ne pas déloger les individus présents, des mesures compensatoires ont été mises en place dans un premier temps. Une bâche a ainsi été placée afin de récupérer les déjections. L’objectif étant quelle soit remplacée tous les 6 mois environ par une entreprise.

Parallèlement, des gîtes artificiels ont été installés à proximité, afin de favoriser une occupation future par la colonie. Des visites devront être organisées afin de déterminer si des chiroptères s’y installent au cours des prochains mois.

 

Résultats obtenus & perspectives

La colonisation des gîtes de substitution est contrainte par de nombreux éléments (exposition, accès au gîte, espace disponible, etc.).

Aujourd’hui, un des gîtes installés semble avoir été utilisé par des chauves-souris. Et bien que la colonisation ne soit pas encore effective sur d’autres gîtes, les résultats obtenus jusqu’à présent nous ouvrent une réflexion sur les éléments pouvant contraindre les chiroptères, et sur les aspects devant être pris en compte lors de la conception de nouveaux gîtes artificiels, tels que :

  • L’aménagement du gîte et l’espace intérieur disponible en fonction de l’espèce ciblée,
  • L’emplacement (exposition au soleil, végétation...),
  • L’orientation des accès au gîte,
  • La dimension des ouvertures,
  • L’entretien afin de garantir un accès dégagé,
  • La hauteur des gîtes (pour réduire les risques de prédation, notamment)
  • Etc.

Parallèlement à la création de ces gîtes de substitution, d’autres projets de mise en place de gîtes artificiels sont discutés en Martinique. Ces projets n’ont pas pour objectif de compenser la perte d’un gîte, mais au contraire d’attirer les chiroptères sur un site en leur offrant des abris.

Les résultats obtenus avec les gîtes existants permettront d’optimiser la conception et l’installation de ces nouveaux gîtes, en tenant compte des limites observées, et des besoins des espèces ciblées.

 

Bibliographie

  • Étude sur l’optimisation des gîtes artificiels pour les espèces de chiroptères néotropicaux, Biotope, DEAL Martinique, 2022
  • Guide sur la prise en compte des chiroptères dans les projets d’aménagement en Martinique, Biotope, DEAL Martinique, 2021